Découvrez une interview exclusive des auteurs de notre nouvelle série Le Convoyeur.
Vous avez peut-être déjà eu l'occasion de lire d'autres oeuvres des auteurs ?
Dimitri Armand est le dessinateur de Sykes et Texas Jack, et Tristan Roulot est le scénariste de Hedge Fund et Irons.
Personne ne s’attendait à ce qu’un futur post-collapse se passe sans heurts, mais Le Convoyeur propose une vision sans concession : mutations en tous genres, humains retournés à l’état de nature, Église trimbalant son cortège d’eunuques et des cannibales en cage…
L’imagination de Tristan Roulot semble sans limite lorsqu’il s’agit de repousser les limites. Et il semble avoir trouvé le partenaire idéal en la personne de Dimitri Armand, habitué des ambiances western dont il rejoue ici une partition moderne mâtinée de monstruosités.
Dimitri Armand : Au départ, Tristan m’avait proposé un premier projet de SF, mais c’était trop aseptisé pour moi, je ne m’y retrouvais pas. Là, j’ai retrouvé ce que j’aime dans les westerns : faire des gueules, des matières un peu sales. Des trucs beaucoup plus organiques. J’ai un dessin assez « propre » à la base, du coup, il me faut un univers un peu sale pour apporter un équilibre.
Tristan Roulot : J’ai un goût prononcé pour le trash, questionner les tabous, quitte à provoquer le malaise. Je vais au plus loin de ce que je peux imaginer, ensuite je fais confiance à Dimitri et au Lombard pour m’aider à trier les bonnes idées. Ce que les gens vont lire, c’est ce qu’on a gardé de meilleur.
DA : Et dire que, d’habitude, c’est moi l’élément trash, dans une collaboration…
Vous n’avez pas peur de vous aliéner une partie du public ?
DA : Personnellement, ça ne me choque pas. Mais on veut tout de même faire une BD qui parle au plus grand nombre. On ne veut pas être gratuits, comme on pourrait l’être dans une série B — un genre où la surenchère est de mise.
TR : J’aime l’idée d’aller au-delà du bon goût et du mauvais goût. Mais je cherche aussi l’envers de l’humanité. Le postulat, c’est que, dans un tel monde, où la morale devient une faiblesse, les vrais psychopathes seraient les leaders. Ici, c’est un monde où les Huns débarquent chez les fermiers. Et ils ne vont pas demander pardon. Après, la question est de montrer ou pas cette violence.
L’idée de la Rouille est très bien trouvée. Mais cette histoire de mutations… pur jeu de l’esprit ou réalité scientifique ?
TR : C’est un petit délire mais il existe quelques animaux qui ont du cuivre à la place du fer dans le sang — qu’ils ont bleu, du coup. J’ai poussé les curseurs, mais il y a une petite base scientifique.
DA : Le plus intéressant, c’est que les mutations ne sont jamais gratuites. Certaines ont une utilité scénaristique, bien sûr, mais chaque personnage que l’on voit à l’image permet d’approfondir l’univers. Les mutations contribuent à redéfinir une inégalité sociale : un bras en feu, c’est plutôt sexy, mais d’autres seront bossus avec un bras trop petit.
La Rouille impose sa loi.
Votre personnage du Convoyeur participe également à cette ambiance sale. Il est présenté comme un héros classique, mais à la lecture, il n’en est vraiment rien…
TR : Après 7 tomes de Hedge Fund où on est enfermés dans des bureaux, je voulais qu’on sorte, qu’on se balade. C’est pour ça que c’est la fonction même du personnage. C’est un peu une réaction à ma série précédente. Mais oui, je voulais un anti-Thorgal. Un type qu’on présente comme un héros mais qui ne l’est pas.
C’est quelqu’un dont on a besoin.
DA : L’astuce, pour moi, a été de trouver comment le présenter de manière attractive, alors que je connais sa vraie nature. J’ai opté pour un certain charme. Ainsi, en tant que lecteur, on subit la même chose que ses victimes. On se laisse séduire.