Réchauffement climatique, fin du pétrole et de l’énergie abondante, pénuries de matières premières, surpopulation, pollution, extinction des espèces, pandémies, etc. Les annonces de fin du monde se multiplient en ce début de siècle. Les preuves d’un possible et rapide effondrement s’accumulent, les signaux sont partout et pourtant l’humanité continue de danser sur le volcan sans trop prendre la mesure de la situation.
Le cinéma et la littérature en usent, en abusent, et promettent en choeur cataclysmes, virus exotiques, tremblements de terre, zombies et, surtout, systématiquement, un retour généralisé au chaos et à la sauvagerie. Comme si nos capacités à la bienveillance, à l’empathie, à la solidarité étaient forcément liées au confort moderne. Si le monde s’effondre, c’est certain, l’homme redeviendra un animal sauvage qui tue ses semblables pour survivre. Mais est-ce un fantasme insidieusement suggéré par le cinéma post-apocalyptique ou bien une réalité soutenue par des exemples historiques ? La réalité pourrait bien être contre-intuitive.
Des exemples documentés tendent à prouver qu’en situation de crise, les humains sont plus solidaires que ne le suggère notre imaginaire collectif. Que dans de nombreux cas, les gens sont capables de se rassembler, de prendre soin les uns des autres, des plus faibles, des plus vulnérables. Mais dans le même temps, la machine à fantasmes fait son oeuvre et les médias, les réseaux sociaux, plutôt que de relater une réalité de terrain, vont répéter et amplifier le récit de nos peurs collectives.
On se réfugie dans l’individualisme, le survivalisme, l’isolationnisme, l’autonomisme, le technologisme, le transhumanisme, le jusqu’au-boutisme, le je m’en foutisme, etc. L’Histoire ayant frappé du sceau de l’infamie les mots collectivisme ou communisme, que nous reste-t-il pour nous en sortir ?
Il est peut-être là le plus grand danger. Cet imaginaire qui nous rend méfiant à l’égard de nos semblables, qui nous pousse à inventer une réalité alternative à
partir de nos peurs. Et nous nous retrouvons chaque jour à creuser les pièges dans lesquels nous tomberons demain.
Olivier Jouvray