Issunboshi, le premier roman graphique de Ryan Lang
Une très ancienne légende nipponne raconte qu’au commencement, pour remuer les océans, les dieux utilisèrent la Lance Céleste, l’Ame no Nuhoko. Les premières îles japonaises virent ensuite le jour et c’est à ce moment que les dieux prirent peur :le pouvoir de cette lance était tel qu’ils décidèrent de la cacher pour qu’elle ne soit jamais utilisée à des fins maléfiques. Son manche devint un arbre, sa garde une fleur, sa lame une pierre et son essence rejoignit les cieux.
Les différents éléments de la lance restèrent introuvables pendant des siècles, jusqu’au jour où un oni, un démon, se mit en quête de les rassembler et de reforger l’arme. L’esprit de la lame, apeuré, prit la décision de se réincarner en un petit garçon grand de quelques centimètres seulement. Ses parents adoptifs, un couple de paysans âgés et désespérés de ne pouvoir enfanter, l’appelèrent « Issunboshi », le garçon d’un pouce.
Dans un Japon féodal où se mélangent mythes, folklore et valeurs guerrières, le minuscule jeune homme va devoir quitter son foyer et trouver le courage de devenir le grand samouraï annoncé par la prophétie. Un périple qui rappellera au lecteur qu’on ne naît pas héros : on trouve plutôt le courage d’en devenir un.
Un conte populaire de la culture asiatique
Issunboshi a bercé l’enfance de nombreux enfants asiatiques, mais pas uniquement. Vous y aurez évidemment reconnu une autre histoire, celle d’un garçon tout aussi petit et fort comme un bœuf : Tom Pouce. À travers ces quêtes initiatiques de petits hommes, c’est un message fort qui est véhiculé : la grandeur d’une personne ne se mesure pas à sa taille.
À l’instar des recueils de Perrault et des Frères Grimm en Europe, est l’un des contes les plus populaires du Japon et de la culture asiatique. Ryan Lang, l’auteur de ce roman graphique, l’a d’ailleurs entendu très jeune, dans l’archipel d’Hawaï où il a grandi. L’histoire rocambolesque de ce petit homme pas plus grand qu’un pouce et doté d’un cœur de géant n’a cessé de l’accompagner tout au long de sa vie.
L'interprétation de Ryan Lang
Formé en art et en design, Lang a rapidement entraperçu dans cette fable ancestrale le lieu propice pour allier les techniques numériques et d’animation actuelles avec sa passion pour les récits héroïques. Souvent pâles copies de l’original, les adaptations manquent de panache : il n’en est rien pour l’Issunboshi de Lang.
En effet, l’illustrateur a élaboré des personnages construits, nuancés et apportant du relief au récit. Son interprétation semble d’ailleurs plus vivante que le conte originel, car l’Américain développe plusieurs histoires, parallèles ou enchâssées : la création divine, l’histoire d’Issunboshi elle-même, la quête de l’oni et son pouvoir grandissant.
La lecture est multiple et diversifiée, avec des scènes frappantes et parfois… terrifiantes. Les créatures monstrueuses ne sont pas celles que l’on croit, et leurs transformations sont spectaculaires. Ryan Lang joue avec ces métamorphes, les yokai, et entretient une tension tout au long du récit.
Une oeuvre hybride : entre roman graphique et film d'animation
Plus qu’un roman graphique, Issunboshi reprend les codes de l’animation actuelle et du design character, apparentant ainsi cette œuvre à l’univers cinématographique. La prouesse de Ryan Lang entre ces pages réside clairement dans la maîtrise du mouvement et des ombres alors qu’il utilise uniquement le noir et le blanc.
Les jeux de lumières sont impressionnants de réalisme, offrant une variété de plans et de détails aussi nuancés que si le roman graphique avait été colorisé en quadrichromie. Ryan Lang l’explique : sa force réside dans l’observation de la lumière sur les objets de la scène. Ce sont les petites interactions entre ces traits lumineux et leur environnement qui métamorphosent une planche.
« Si vous ne vous fiez qu’aux formules techniques, vous cessez d’observer correctement et cela se voit dans votre travail »Ryan Lang