Les Éditions du Lombard ont la profonde tristesse de vous faire part du décès d’André-Paul Duchâteau survenu ce 26 août 2020 à l’âge de 95 ans. Romancier, journaliste, scénariste de nombreuses séries de bandes dessinées,
créateur de plusieurs héros devenus emblématiques du 9e Art, il avait été l’un des animateurs majeurs du journal « Tintin » dont il avait par ailleurs été le rédacteur en chef et le directeur artistique. La Direction et l’ensemble des auteurs, des collaborateurs et du personnel de la maison d’édition dont il fut l’une des figures chaleureuses s’associent à la douleur de sa famille et de ses proches.
Sous ses pieds, un épais tapis oriental. Une table de travail massive et confortable. Les étagères s’incurvent sous le poids des ouvrages. Sur l’une d’entre elles, le buste de Charles Vasseur, son arrière-grand-père, aquarelliste et lithographe. Un artiste, déjà. Des livres, encore des livres, toujours des livres. Partout. Beaucoup d’auteurs des XIXe et XXe siècles, de John Dickson Carr à Charles Dickens, un long chapelet de bandes dessinées, du polar, de la SF, du fantastique. Sur un des rares espaces encore vierges, un extraterrestre vous fixe de ses yeux mélancoliques. La couverture des Mutants de Xanaïa… Un tableau de son ami Grzegorz Rosinski. Mariage heureux entre le passé et l’avenir… C’est là, précisément, dans cette ambiance chaleureuse et érudite, qu’André-Paul Duchâteau a composé quelques-unes des plus belles pages de la paralittérature.
Il n’a pas encore sept ans lorsqu’il découvre Six hommes morts de S.-A. Steeman, dans l’hebdomadaire Le Moustique. De son enfance à Tournai, où il est né en 1925, nous retiendrons cette envie, déjà, d’explorer l’imaginaire. Dès l’adolescence, il commence à noircir ses cahiers, alternant le graphisme, un peu, et l’écriture, beaucoup. À seize ans, il publie un premier roman, Meurtre pour Meurtre, dans la collection « Jury », dirigée par Steeman… Toujours lui. Ce dernier devient son mentor et confident.
Dès le milieu des années quarante, il multiplie les nouvelles. Dans Mystère-Magazine, tout d’abord (plusieurs d’entre elles franchiront l’Atlantique et seront adaptées dans la version américaine de la revue, l’Ellery Queen’s Mystery Magazine), puis dans Fiction, Tintin ou 813. André-Paul en signe plusieurs centaines… « Par son côté rapide, ramassé, la nouvelle reste un formidable mode d’expression, une passionnante leçon d’écriture », ajoute-t-il, d’un air gourmand.
On le retrouve également aux éditions La Boétie, où il réécrit quelques classiques russes massacrés par une traduction inepte. Plaisir du palimpseste. Aux côtés de Tenas et Rali, il collabore à l’hebdomadaire Bravo !, alternant des adaptations de Paul Féval et de Walter Scott.
Il croise surtout la route d’un certain Tibet… Le début d’une de ces complicités qui marquent une vie. Ensemble, en 1955, ils signent Ric Hochet, dans Tintin :
« Il faut une immense amitié pour être capable de travailler une soixantaine d’années avec quelqu’un, sans jamais se disputer. Avec Tibet, nous n’avons pas vu le temps passer et nous nous sommes vraiment amusés… Cela a été une belle aventure ! »
En 1955, toujours, il part pour le Congo, s’installe à ce qui s’appelait encore Léopoldville et dirige L’Avenir et Actualités Africaines. Il engage Joseph Mobutu, sergent comptable dans la Force Publique. L’homme n’a pas encore tourné dictateur. Le scénariste imagine une trentaine d’enquêtes radiophoniques, diffusées sur Radio-Luxembourg.
Des années soixante aux années quatre-vingt, tout s’accélère. André-Paul Duchâteau travaille notamment avec William Vance (Bruce J. Hawker), Rosinski, puis Kas (Hans), Daniel Hulet (Pharaon), Christian Denayer (Yalek, Alain Chevallier, Les Casseurs) et, toujours, Tibet (Chick Bill, Les Peur-de-Rien).
Sa production en bande dessinée atteint désormais plusieurs centaines d’albums. Il assure par ailleurs la rédaction en chef du Soir Jeunesse, puis celle de Tintin. À partir de 1989, il dirige la collection « BDétectives » des éditions Lefrancq où il adapte ses amours de jeunesse… Rouletabille et Sherlock Holmes, bien d’autres encore.
Romancier, il cisèle de petits joyaux comme La 139e victime, Mourir à Angoulême ou De Cinq à sept avec la mort, récompensé par le Grand Prix de Littérature Policière. Il passe du roman à énigme au thriller, met des couleurs au « noir ». Son écriture se fait plus incisive.
L’homme aime les défis et surgit là où on ne l’attend pas. Dans Les deux font l’affaire, une série d’enquêtes policières dessinées par Bernard Swysen pour Télé 7 Jeux ; dans Les Romantiques, illustré par Éric Lenaerts et dans lequel perce son admiration pour Gérard de Nerval ; dans Terreur, un diptyque enluminé par René Follet et paru dans la collection « Signé » du Lombard.
Au-delà de l’œuvre, il y a surtout l’homme, véritable gentleman, bienveillant, cultivé et attentif aux autres : « Le plus important, c’est d’être curieux… Et de continuer à s’enthousiasmer comme un enfant ! »
Nos pensées les plus affectueuses vont à sa fille, Sylvie, et à ses petits-enfants, Thelma et Matéo.